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L’Euro et le hooliganisme

L’Euro 2021 va parcourir le Vieux continent et va notamment passer par Saint-Petersbourg. La Russie avait fait particulièrement parler d’elle lors du dernier championnat d’Europe à cause des heurts entre supporters à Marseille. Russes, Anglais et Marseillais s’étaient livrés à des bagarres de rue en amont du match entre les deux pays. A l’heure d’ouvrir une nouvelle édition, la peur de résurgence grandit. Pourtant, le hooliganisme est loin d’avoir le même impact qu’il y a plusieurs dizaines d’années. Chronique d’une transgression.

Les événements survenus à Marseille à partir du 11 juin 2016 ont fait resurgir de vieux démons. Les mêmes Anglais, dans la même ville française, s’étaient battus avec des Tunisiens durant la Coupe du Monde 1998. Cette fois, ce sont les hooligans russes qui faisaient face aux britanniques. Les élèves avaient à coeur de montrer aux maitres, qu’ils étaient désormais plus puissants. Le service militaire étant obligatoire en Russie, ils jouissent tous d’une formation dans l’armée et cela se voit dans leur manière d’opérer. Ces « hools » ont fait trembler la cité phocéenne durant quelques jours comme leurs ainés dix-huit ans plus tôt. Le hooliganisme russe est plutôt spécifique et rompt avec celui né en Grande-Bretagne au siècle dernier. La majorité ne vient pas de la working class de la « Mère patrie » et a même une idée politique d’extrême-droite. Le député du parti nationaliste russe (LDPR), Igor Lebenev a d’ailleurs de grands partisans au sein des groupes ultras nationaux et a salué les violences survenues en France. Même les tribunes du Lokomotiv Moscou aux origines communistes sont désormais dominées par l’extrême-droite. « Il y a une poussée de l’extrême droite dans l’ensemble de l’Europe. Et quelle meilleure caisse de résonance que l’Euro ? » explique le géopolitologue Pascal Boniface.

DRAME DU HEYSEL ET EURO 88

(Source : lesoir.be)

Les années 70 et la décennie suivante ont marqué l’apogée du hooliganisme, notamment sous l’impulsion des Anglais. La classe ouvrière est particulièrement représentée, l’alcool coule à flot, les chants résonnent dans les rues et la recherche de la violence leur fait se sentir vivants. Dans le même temps, le football britannique est également marqué de coup avec The Dirty Leeds de Don Revie ou The Crazy Gang de Wimbledon. Des joueurs comme Paul Gascoigne ou Chris Waddle apparaissent également dans le paysage anglais en représentant parfaitement ce football si british. En marge de ce jeu tantôt violent, tantôt gracieux, les hooligans se font de plus en plus nombreux. Ils fleurissent dans les tribunes de Tottenham, Leeds United, West Ham, Millwall, Manchester United ou bien sûr Liverpool.

Les sanctions se multiplient avec par exemple les Peacocks de Leeds radiés de Coupe d’Europe de 1975 à 1979, marquant la fin du premier âge d’or du club. Le fait le plus connu d’hooliganisme apparait en 1985 du côté de Bruxelles, lors de la finale de Coupe d’Europe des clubs champions entre Liverpool et la Juventus Turin. Un an plus tôt, un supporter de Tottenham est tué d’une balle dans la capitale belge en marge de la finale de Coupe de l’UEFA face à Anderlecht. Pour la finale de C1, ce sont 39 personnes qui perdent la vie au stade du Heysel. Les hooligans de la Mersey réalisent une prise de tribune consistant à envahir la partie italienne des gradins italiens. Les tifosi turinois n’étant pas habitués à cette « coutume » se replient et font basculer les grilles avant de mourir piétinés par la foule.

Suite à ce drame, 26 supporters anglais sont inculpés de coups et blessures volontaires avec préméditation et 14 seront condamnés à trois ans de prison. Le Liverpool FC est alors radié de toute compétition internationale durant 10 ans (la peine sera réduite à 6 mais devra attendre 2005 pour remporter une quatrième Ligue des Champions). Le club et ses supporters feront de nouveau parler d’eux quatre ans plus tard lors de la tragédie d’Hillsborough où 96 personnes perdent la vie en marge de la rencontre face à Nottingham Forrest. Les Kopites étaient rentrés de force dans une tribune déjà pleine à craquer, ce qui provoqua un nouvel écrasement.

En plus de la sanction du Liverpool FC, l’ensemble des clubs anglais furent interdit de participer aux coupes d’Europe durant trois ans. Une peine qui va être alourdie à cinq ans après les nouveaux heurts en Allemagne de l’Ouest dans le cadre de l’Euro 88. la compétition a donné lieu à de nombreuses scènes de bagarres urbaines venant souvent de supporters britanniques et germaniques. Ces derniers ont également sévi dix ans plus tard à Lens en attaquant un gendarme français. Le Maréchal Nivel est depuis infirme.

LE TOURNANT DE L’EURO 2000

(Source : bbc.co.uk)

A la suite de tels événements, les autorités se devaient de réagir. 15 ans après le drame du Heysel, la Belgique s’apprête à organiser l’Euro 2000 en coopération avec les Pays-Bas. Depuis cet incident, le plat pays renforça grandement la politique de sécurité dans ses stades. La Loi Football 99 est votée un an avant le coup d’envoi de la compétition. Elle permet de mettre en place des interdictions de stade généralisées ainsi que des peines financières pour les supporters violents ainsi que pour les clubs ou sélections concernés.

En marge de l’Euro 2000, la Belgique développe le fan coaching qui consiste à traiter le contrôle du hooliganisme différemment des autres fédérations. En effet, alors que beaucoup utilisent la répression pour répondre aux violences, le gouvernement belge estime qu’il faut traiter le problème d’une autre manière, notamment en cherchant d’où partent ces comportements. Il est alors estimé que les supporters qui se battent ont entre 18 et 25 ans mais surtout qu’ils sont en situation d’échec dans le cadre scolaire, professionnel, familial ou social. Il y a donc une véritable prise en charge de certains de ces supporters avec une approche plus préventive que répressive. Quant aux Pays-Bas, autres organisateurs de la compétition, c’est une politique de Crowd management qui est mise en place. Cela signifie qu’il y a une plus grande importance accordée à la police aux abords des stades mais surtout en amont des rencontres. Grâce à la vidéo protection ou le balisage technologique des trajets de supporters, il se crée alors une véritable gestion des foules et une analyse de risque.

Le fait d’aborder la compétition avec de telles mesures a permis de limiter le nombre de violences dans des pays en proie au hooliganisme. Bertrand Fincoeur, sociologue belge, dit à So Foot que « ça devait être une apogée du hooliganisme, il en a résulté une déception ». Il y aura tout de même de grands heurts à Charleroi avant le match Angleterre-Allemagne. La compétition marque un tournant selon le même sociologue et coïncide avec l’essoufflement du mouvement. La réforme de la Premier League en 1992, la création de la Loi Football 99 et les mesures de l’Euro 2000 y mettent peu à peu fin. Il faut néanmoins relever les événements violents en 2016 mais également lors des Euros 2008 et 2012 pour, respectivement, Allemagne-Pologne et Russie-Pologne. Pour La Causerie, Jean-Baptiste Guégan dit à propos de la future compétition : « Les groupes ont été pensés par l’UEFA pour éviter toutes questions de revendications politiques. Après se posera la question une fois la phase de groupes passée de la rencontre des différents groupes mais l’UEFA fera ce qu’il faut ». Certains matchs seront tout de même à risque parmi lesquels Angleterre-Ecosse ou Croatie-République Tchèque.

Le hooliganisme a radicalement changé de manifestation depuis ses premières apparitions. Les bagarres ne suivent presque plus le déroulé du match et se déroulent plus souvent en dehors du stade. Si le football a souvent pâti de ce phénomène, la justice voire la sociologie en ont aussi souffert, se montrant dépassées. Il fut dénudé de son aspect rationnel et très peu ont pris en compte son origine socio-économique. Si le fan coaching a plutôt bien marché en Belgique, il n’est apparu qu’en 2000 soit plus de 10 ans après le grand essor des violences. De la même façon, de nombreux ultras souffrent aujourd’hui de la comparaison avec les hooligans d’antan. Il y a pourtant des différences notables, à commencer par la non-volonté de se battre. Les amalgames sont aussi simples que rapides.

Le hooliganisme est un sujet très intéressant au même titre que la cause ultra ou que le supporterisme dans son ensemble. Un bref papier en marge de ce dossier ne suffit évidemment pas à le comprendre et il ne se prétend pas le faire. L’Euro 2021 ne devrait pas être trop en proie à ces mouvements du fait de la pluralité des lieux mais également à la situation sanitaire. Néanmoins, à moins d’un mois du coup d’envoi de la rencontre Angleterre-Ecosse, les risques existent. Surtout que le SNP vient d’obtenir la majorité à Edimbourg et que la première ministre indépendantiste Nicola Sturgeon est bien décidé à organiser un nouveau référendum pour l’indépendance du pays.

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Publié par leannienzo

"Le ballon est pour les joueurs ce que les mots sont pour les poètes. Dans leurs pieds ou dans la tête de certains d'entre eux, ils se transforment en oeuvre d'art" César Luis Menotti

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