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Euro 2000 : dernière ode aux artistes

Le passage de 1999 à 2000 a été fêté par le monde entier. La nuit du 31 décembre au 1er janvier fut l’une des plus festives de la vie de nombreuses personnes. Certains ont eu peur du bug de l’an 2000 quand d’autres ont renommé des rues au nom de ce nouveau millésime. L’événement à retenir de cette année s’est cependant déroulé du 10 juin au 2 juillet du côté de la Belgique et des Pays-Bas. Le championnat d’Europe des nations de l’an 2000 est, pour beaucoup d’observateurs, la meilleure compétition de football de l’histoire. Voici pourquoi.

Des cheveux longs, des maillots larges et des chaussettes baissées à foison. Des numéros 10 exceptionnels. Un niveau technique au-dessus de la moyenne. Des buts en pagaille et une dramaturgie sans égal. Lorsqu’à la 103e minute de la finale, en pleine prolongation, Robert Pirès déborde sur le flanc gauche, nous gratifie d’un double contact, centre pour David Trezeguet. Alors le Roi David s’empressa de faire ce qu’il sait faire de mieux : marquer. Une volée aussi pure que décisive. Il transperce les filets du stade De Kuip faisant trembler Feyenoord et rendant heureuse la France. Le banc italien s’était assis quelques minutes auparavant et s’est effondré face à la célébration, torse nu, de Trezeguet. Un match au final haletant mettant fin à une ivresse d’un mois. Cette compétition est coincée entre un froid Euro 1996 et un Euro 2004 peu divertissant. Elle semble être la dernière où chaque équipe comptait un joueur unique qui prenait le pas sur tout système de jeu.

DES JOUEURS D’EXCEPTION

A l’heure où le football international n’a que peu de saveur, l’Euro 2000 est plus ringard que jamais. Est-ce cet anachronisme qui rend ce souvenir impérissable ? Peut-être. Sûrement à vrai dire puisque le revisionnage des matchs nous montre un football totalement différent. Ni meilleur, ni moins bon. Les nombreux espaces nous font penser qu’il n’y avait que très peu de tactique préalable. Ce sont pourtant ces espaces qui nous font apprécier le talent des artistes peuplant la compétition. L’équipe type de la compétition est assez parlante en termes de qualité technique.

(Source : wikipedia.com)

Les deux équipes finalistes sont celles qui comptent le plus de fuoriclasse. Forts de leur sacre mondial de 1998, Zinédine Zidane et ses coéquipiers laissent parler leur niveau technique impressionnant. Au contraire de la Coupe du monde, le numéro 10 brille dès le coup d’envoi de l’Euro avec des partitions sans défaut face à l’Espagne et au Portugal. Thierry Henry, Youri Djorkaeff ou Laurent Blanc sont également les fers de lance d’une équipe -un peu- plus joueuse que deux ans plus tôt. L’apport de Patrick Vieira, en lieu et place d’Emmanuel Petit a été décisif. Du côté italien, le talent est époustouflant. Francesco Totti, Alessandro Del Piero, Paolo Maldini ou Alessandro Nesta nous ont impressionné durant les six matchs de la Squadra.

Comme dit précédemment, chaque équipe possédait un joueur capable de prendre le match à son compte. Alors que le sens tactique des sélectionneurs était moins répandu qu’aujourd’hui, le talent individuel était davantage mis en avant. Parmi les joueurs frissons, on peut évidemment noter la présence de Dennis Bergkamp, Edgar Davids, Patrick Kluivert, Rui Costa, Luis Figo, Pep Guardiola, Raúl, David Beckham, Paul Scholes, Gheorghe Hagi, Savo Milosevic, Pavel Nedved, Henrik Larsson, Erik Mykland ou encore Hakan Sukur. Du beau monde vous avez dit ?

L’EXEMPLE TOTTI

(Source : goal.com

La carrière internationale de Francesco Totti est assez tumultueuse. Bien plus Romain qu’Italien, « Il Capitano » prit sa retraite internationale dès 2007. Un an après son sacre au Mondial duquel il termine meilleur passeur, trois ans après sa suspension pour avoir craché au visage du Danois Christian Poulsen lors de l’Euro 2004 et sept ans après son exceptionnel Euro 2000. Quand nous parlions de cheveux longs, de maillots larges et de chaussettes baissées, nous pensions évidemment à Totti. Le numéro 20 floqué sur son maillot bleu azur a survolé la compétition et la défaite finale (où il semble d’ailleurs épuisé) est d’autant plus cruelle.

Malgré une baisse physique, Totti ne perd pas de son génie durant la finale en étant décisif sur le but italien grâce à une excellente protection de balle suivie d’une talonnade léchée. Alors qu’il était en concurrence avec Alessandro Del Piero, à l’image du tandem divisé de force Henry-Trezeguet, Francesco Totti a prouvé qu’à seulement 23 ans, il pouvait être le leader tant attendu de la sélection italienne. Il est d’ailleurs titulaire lors de quatre matchs sur six.

L’image qui ressort indéniablement de l’Euro 2000 de Totti se déroule durant la demi-finale entre l’Italie et les Pays-Bas. Les Hollandais ont loupé deux penalties durant le temps réglementaire et se voient contraints d’aller jusqu’aux tirs au but. Ils ratent les deux premières tentatives de cette séance et voient Francesco Totti s’élancer vers le point blanc. Sur cet interminable chemin, il se retourne vers son camp. N’y voyez pas un homme cherchant un peu de réconfort face à un manque de confiance mais plutôt quelqu’un de sûr de lui voulant le prouver à tout le monde. Il continue sa route avant de s’arrêter à onze mètres face à Edwin Van der Sar. Celui-ci restera bouche bée face à la panenka de l’Italien. Amsterdam resta muette après le tir aussi léger qu’une plume de cet artiste anachronique.

DES ÉMOTIONS À COUPER LE SOUFFLE

(Source : leparisien.fr)

Cette demi-finale du 29 Juin n’est que le clou du spectacle d’un Championnat d’Europe qui en aura vu de toutes les couleurs en attendant une finale elle aussi toute aussi dingue. Car si les artistes ont brillé, cette 11e édition de l’Euro restera avant tout celle des scénarios de dingue où la logique n’a pas toujours prévalu. Plusieurs matchs sont ainsi à signaler et peuvent rentrer dans ce cadre après revisionnage. Dans le Groupe A, c’est le Portugal-Angleterre qui donne le ton de ce tournoi. L’occasion de voir une Angleterre étincelante durant 20 minutes avant de subir une panne de courant face à une Seleçao das quinas qui étale ici son talent et son potentiel. L’équipe menée à la baguette par Luis Figo sera la révélation du tournoi et un pur régal pour les yeux. C’est ainsi qu’elle gagne 3-2 cette rencontre, avant de marcher sur l’Allemagne plus que vieillissante et de réduire à néant toute velléité turque grâce à un contrôle insatiable du milieu de terrain et l’apport précieux de Costinha. C’est dans un match au couteau, au combien exceptionnel que les portugais céderont face au futur vainqueur du tournoi après avoir mené au score. Si le Portugal a brillé malgré une fin polémique, les Allemands et les anglais ont donc déçu. Pour l’Allemagne, cet Euro est le symbole de fin d’un cycle entamé 12 ans plus tôt, celui de la génération Lothar Matthaus, champion du monde 1990. Quant aux anglais, l’élimination face à la Roumanie, sur un pénalty dans le temps additionnel est dure à digérer.

Autre sélection attendue et qui ressortira en demi-teinte de ce tournoi ; l’Espagne. Emmenée par Raul, tout frais vainqueur de la Coupe aux grandes oreilles avec le Real Madrid, la sélection de Camacho dispose d’un bilan contrasté. Décevante contre la Norvège, miraculée contre la Yougoslavie avec deux buts dans le temps additionnel, elle réalise un match contre la France à l’image de sa compétition. Capable de faire mal sur les contres avec Munitis qui fera vivre une soirée difficile à Thuram, elle n’est cependant pas assez constante, et sa qualité technique avec des joueurs comme Guardiola, Mendieta ou Raul ne se verra pas assez face à la puissance physique dégagée par la France. C’est sur un penalty de l’égalisation raté par le jeune attaquant des Merengue qu’elle quitte la compétition. Sans avoir convaincu.

Un grand moment de tristesse et d’émotions nous aura donc été offert malgré tout par le parcours des Ibères. Celui-ci n’atteindra cependant pas les deux chefs-d’œuvre des deux derniers matchs de la compétition. La rencontre entre l’Italie et les Pays-Bas tient du mélodrame. Les Néerlandais co-favoris avec la France d’un tournoi qu’ils disputent à domicile, ont remporté tous leurs matchs depuis le début. Tantôt éclatants de talent avec leurs virtuoses Bergkamp, Overmars, Davids ou Kluivert comme face à la Yougoslavie en quart de finale pour une victoire 6-1, tantôt à l’arraché comme lors du triomphe face aux tchèques 1-0 à la dernière seconde, il faut avouer que l’on ne sait pas trop à quoi s’attendre de la part des Oranje, 4èmes du dernier mondial avec cette demi-finale. En face l’Italie poussive face à la Turquie, facile face à la Belgique ou la Roumanie en quart de finale, elle n’a cependant pas connu d’opposition référence dans ce tournoi jusqu’à présent. Ce handicap va se remarquer vite, les italiens étant acculés dans leur 30m. Et l’expulsion de Zambrotta, va renforcer ce rapport de force largement en faveur des Oranje. Mais les néerlandais ne réalisent pas la chose la plus importante et la plus difficile à faire dans le football. Marquer. Au fil du match, psychologiquement et physiquement, les italiens vont réussir à moins subir grâce à leur défense qui tient autour du trio Maldini-Nesta-Cannavaro. Avec le brin de réussite en plus qui plus est, car les néerlandais ratent deux penalties. Finalement, la prolongation aurait même pu tourner en faveur de la Squadra avec Del Piero qui dispose d’une occasion extraordinaire de but en or mais perd son face à face contre Van Der Sar. La séance de tirs aux buts arrive finalement et les néerlandais explosent. Comme lors du mondial 1998 ils ne verront pas la finale, pour ne pas avoir su concrétiser leur domination, puis après avoir peiné physiquement avant d’exploser sur le plan mental. Equipe la plus spectaculaire du tournoi, les hollandais n’avaient cependant peut-être pas toutes les armes, et pas le vice nécessaire pour pouvoir triompher. L’Italie quant à elle, a déjà réussi son tournoi. Mais celui-ci va lui laisser un énorme goût amer, 3 jours après en finale…

LE COURONNEMENT DU MEILLEUR COLLECTIF DU MONDE A L’AUBE D’UNE NOUVELLE ÈRE

(Source : chroniquesbleues.fr)

France, Italie. Deux voisins qui se connaissent par cœur. Des stars aux 4 coins du terrain. Plus expérimentés côté français avec un vécu de groupe supérieur, plus jeunes côté italiens avec Totti, avec Del Piero. Une base défensive énorme des deux côtés. Bref une finale parfaite qui va amener là encore son lot d’émotions. Cadenassée, fermée, l’Italie semble avoir fait le plus dur et a la main sur le match lorsque Delvecchio ouvre le score après une inspiration géniale de Totti. Del Piero comme en demi-finale possède des balles de match. Il ne les conclut pas. Et il les regrettera. Car en face, la France de Roger Lemerre, tient entre ses mains une vertu qui n’appartient qu’aux plus grandes équipes. Renoncer à la défaite. Pas toujours brillante, mais toujours très compétitive dès que la tension s’élève comme en quart de finale et en demi-finale, elle va par son banc faire la différence. Avec cette chance en plus qui la caractérise. Wiltord, Pirès, Trezeguet, tous seront des héros au moment où Zidane est pris dans la tenaille, où l’influence de Henry est un peu moindre par rapport à la demie et surtout au quart de finale. C’est sur cette reprise de volée iconique que se conclut cet Euro. Le sacre de la meilleure équipe du monde, la France. Même sur un fil tout au long du tournoi, il semble absolument logique. Disposant de la meilleure défense de la compétition (avec l’Italie), celle qui ne perd pas un match lorsqu’elle est alignée en plus. Disposant d’un milieu encore plus fort qu’en 1998 avec un Djorkaeff étincelant et un Vieira en pleine éclosion. Disposant enfin d’un Zidane plus maître qu’en 1998 en témoigne son match contre le Portugal. Disposant d’un Henry plus rapide que jamais, arme fatale pour prendre de vitesse les défenses adverses même regroupées comme en finale. Disposant enfin d’un banc totalement à la hauteur. Personne ne semblait pouvoir contester le sacre de la France à Rotterdam. Pourtant c’est la magie et le paradoxe du football, ce couronnement aurait pu ne pas exister à 30 secondes prêt, si Toldo avait eu la main plus ferme. 

C’est ainsi que se referme la page d’un championnat d’Europe 2000 qui encore dans l’ancien temps sur le plan tactique, il suffit de voir le nombre de matchs où le jeu se passe avant tout dans des duels aériens, et non au sol, laisse la part belle aux artistes comme rarement peut-être un tournoi international ne l’aura laissé. Spectaculaire, vivant, offensif, rythmé, ces individualités ont su se mettre au service du collectif et le tirer vers le haut, et les équipes qui en manquaient ont pris la porte rapidement à l’image de l’Allemagne, l’Angleterre ou l’Espagne. Malgré tout et le dernier carré l’a montré, la base défensive reste la clé pour remporter ce type de tournoi et c’est ainsi que les deux meilleures défenses se sont affrontées, que l’équipe au meilleur rapport technique/physique a fini par l’emporter en finale en usant son adversaire. En cela cet Euro, 12e de l’histoire restera comme celui de la transition entre l’ancien monde, temps de la liberté, époque des artistes, des gestes techniques envoûtants et utiles pour le jeu et le nouveau monde où la préparation physique et mentale commence à prendre toute sa dimension, la Yougoslavie organisant une tournée en Asie avant l’Euro a fini par exemple par le payer. Tout comme l’importance du coaching en cours de match, Roger Lemerre l’ayant démontré. Ce nouveau monde est aussi celui d’une grande fête populaire, avec des supporters survoltés et des stades enfin à guichets fermés pour presque l’ensemble des 31 matchs de la compétition organisée là aussi sur deux pays voisins, business oblige.

En cette année 2000, le Championnat d’Europe finit donc d’acquérir toutes ses lettres de noblesse devenant à l’heure du passage au nouveau millénaire un évènement incontournable à ne pas manquer. Plus que jamais cette 12e édition restera le spectacle du siècle à la frontière entre le XXe et le XXIe entre histoire, tradition et modernité.

Thomas Bogeard et Enzo Leanni

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Publié par leannienzo

"Le ballon est pour les joueurs ce que les mots sont pour les poètes. Dans leurs pieds ou dans la tête de certains d'entre eux, ils se transforment en oeuvre d'art" César Luis Menotti

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